Comptes Rendus MATh.en.JEANS 05-04
Enseignants : Hervé CHASTAND, Martine HUGUET, Carl LACAUD, Jean-Claude RENOULT, Martine SAPHARY (Lycée Maine de Biran) &Véronique BAYART, Eugénie COHEN, Paul LAILHEUGUE (Lycée Kastler)
Chercheur : Frédéric BAYART (LaBAG, Université de Bordeaux I)
Jumelage MATh.en.JEANS et ateliers de pratique scientifique, année scolaire 2004-2005.
[ Résumé. (par les éditeurs) Le fakir possède une planche à clous : c'est une planche en bois dans laquelle on a planté des clous espacés de 1 unité sur des lignes et des colonnes. On pose un élastique autour des clous. Cela forme des triangles, des polygones... Les auteurs étudient quels triangles sont possibles : peuvent-ils être "presque rectangles" ? équilatéraux ? presque équilatéraux ? Puis, étudiant un autre problème, ils proposent une méthode de découpage qui transforme tout polygone en rectangle, en carré. ] |
Mots clefs. PLAN, POLYGONE, SOMMET ENTIER, TRIANGLE ÉQUILATÉRAL, PRESQUE ÉQUILATÉRAL, PRESQUE RECTANGLE, DÉCOUPAGE, CARRÉ, EQUATION DIOPHANTIENNE, PELL, FERMAT, PLANCHE DU FAKIR |
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[Introduction]
Figure 1Il s'agit d'une planche en bois
dans laquelle on a planté des clous
espacés de 1 unité
sur des lignes et des colonnes.
__________Sur cette planche [à clous], on installe des élastiques pour former :
Des triangles rectangles et presque rectangles
Des triangles équilatéraux
Des triangles presque équilatéraux
Des polygones ...Puis on s'est demandé s'il était possible d'avoir ces formes et de [les] découper pour former d'autres polygones : [..] carrés, rectangles, triangles ...
1) Triangles presque rectangles, est-ce possible ?
Par définition pour un triangle presque rectangle : a2 = b2 + c2 ±1
On remarque que le triangle, étant sur des clous, est inscrit dans un rectangle de cotés entiers P et M. [voir note 1]
Figure 2
Figure 3
On déduit donc grâce aux autres longueurs Q et U les [longueurs] M-U et P-Q.
Cela permet de donner aux 3 autres triangles rectangles (en gris) dont a, b, c sont les hypoténuses, leurs dimensions.
Grâce au théorème de Pythagore, on peut donc exprimer les côtés a, b, c.
a2 = P2 + (M-U)2
b2 = M2 +Q2
c2 = U2 + (P-Q)2
Si notre triangle est rectangle : a2 = b2 +
c2 .
Or il est presque rectangle : a2 = b2 +
c2 ±1
On remplace donc :
a2 = b2 + c2 ±1
P2 + (M-U)2 = M2 +Q2 +
U2 + (P-Q)2 ±1
P2 + M2 - 2MU + U2 =
M2 +Q2 + U2 + P2 - 2PQ +
Q2 ±1
- 2MU = 2Q2 - 2PQ ±1
A gauche comme à droite, les valeurs entières sont multipliées par un nombre pair, ce qui implique que les résultats seront pairs, sauf à droite où il y a ±1. Nous aurons donc un nombre impair :
Pair = impair
C'est impossible.
[Théorème 1. Aucun triangle de la planche du fakir ne peut être presque rectangle ]
2) Triangles équilatéraux, est-ce possible ?
Figure 4Par définition pour un équilatéral :
tous les cotés ont même longueur
et tous les angles valent 60°= ¹/3
______Ici les côtés de notre triangle s'appellent tous r.
Prenons le point de coordonnées entières ( a ; a' ) avec a0.Cherchons les coordonnées ( b ; b' ) de B en fonction de celles de A.
Dans le repère (Ox ; Oy) :
A a pour coordonnées polaires (r ; )
B a pour coordonnées polaires (r ; + 60°)
D'où A [et B] ont pour coordonnées cartésiennes :
a = r x cos
a' = r x sinb = r x cos (+60°)
b' = r x sin (+60°)
Appliquons les formules d'addition :
Il se peut que a'= 0 donc
b= a/2 et b. Or et on peut le prouver par
l'absurde [voir encadré ci-contre]: Conclusion On a donc prouvé que et donc [que] b' ne peut pas être entier. De ce fait, il n'existe pas de triangles équilatéraux sur la planche du Fakir.
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On pose p/q = , p et q étant premier entre eux. si , alors
p2=3q2, On pose p=3k, ce qui nous donne :
donc 3 divise q2 , d'où 3 divise q. Alors q = 3k donc p et q ont un diviseur commun : 3 Cela est contraire à l'hypothèse de départ, qui donnait p et q premiers entre eux. |
3) Triangles presque équilatéraux, est-ce possible ?
3a) Existence
PROBLEME : construire un triangle dont les longueurs des côtés sont trois entiers consécutifs, [de longueurs a-1, a et a+1.]
Figure 5 |
Nous nous sommes placés dans un cas particulier :
un côté est parallèle aux
clous ; a doit être strictement supérieur à 1 Problème : Trouver trois entiers a, h et b tels que [dans la figure 5 on ait] : OB = a-1 et AB = a+1 Avec le théorème de Pythagore :
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(2) - (1) donne:
(a + 1 )2 - (a - 1 )2 = (a - b)2 + h2 - b2 - h2
(a2 + 2a + 1) - (a2 - 2a + 1) = a2 - 2ab + b2 - b2
a2 + 2a + 1 - a2 + 2a - 1 &endash; a2 + 2ab = 0
4a - a2 + 2ab = 0
a( 4 - a + 2b) = 0
a = 0 (impossible) ou 2b + 4 - a = 0
[ce qui] peut se lire
a = 2b + 4 (3)
ou
b = (a - 4)/2 (3')
a doit être pair.
En substituant ( 3') dans (1) on obtient
(a - 1 )2 = ((a - 4)/2)2 + h2
soit
4(a - 1 )2 - (a - 4 )2 = 4h2
4a2 - 8 a + 4 - a2 + 8a - 16 = 4h2
3a2 - 12 = h2IMPOSSIBLE ,
ou
Sachant que a est pair, peut-on trouver des valeurs de a qui rendent h entier ? [ voir note 2]
Avec une calculatrice ou un tableur on obtient des valeurs possibles [ a1, a2, a3, ... et donc des triangles T1, T2, T3, ... ] :
Figure 6
On trouve ainsi beaucoup de triangles [qui répondent aux conditions voulues].
Y-en a t'il une infinité ?
1ère conjecture :
on remarque [(dans toute la suite, chaque indice indique le numéro du triangle qui est considéré)] :
(a1 +h1) x 2 = a2
(a2 +h2) x 2 = a3
D'après le tableau on conjecture que [cette relation est générale ] :
[Conjecture 1] (an +hn) x 2 = an+1 (5) [voir note 3]
Comment démontrer cette conjecture ? La question est encore ouverteÉ
3b) Autre conjecture et démonstration
Figure 7 |
[Rappelons les relations obtenues précédemment.] D'après le théorème de Pythagore :
[...][et on a aussi :]
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On remarque que a est pair.
En substituant 4 + 2b à a, l'équation (2) [devient :] [...]
(4 + 2b +1)2 = h2 + (4 + b)2
4b2 + 20b + 25 = h2 + b2 +8b + 16
3b2 + 12b +9 = h2
3(b2 + 4b + 3) = h2 (6)
Donc h2 est divisible par 3, qui est premier.
Donc h est divisible par 3 [voir note 4] , soit h = 3k (k entier). (7)
9k2 = 3b2 + 12b + 9
3k2 = b2 + 4b + 3
b2 + 4b + 4 - 3k2 = 1
(b + 2)2 - 3k2 = 1 (8)
[...][Posons] :
X = b+2 (9) et Y = k . (10)
Alors :
[ Proposition 1 :
X2 - 3Y2 = 1 (11) pour tout triangle presque équilatéral [à base horizontale].
On considère les triangles Tn et Tn-1 de rang n et (n-1). (cf. )
Les triangles étant presque équilatéraux, on peut écrire:
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(11)n-1 (11)n |
A l 'aide des premiers triangles on remarque que:
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} |
(12)n+1 |
On cherche ensuite à montrer par récurrence que cette conjecture est vraie pour tout entier n [ voir note 5 ]
Ceci permettra de connaître le triangle qui suit deux triangles déjà connus, en suivant !. [voir note 6 ]
Si l'équation Xn+12- 3Yn+12= 1 [soit (11)n+1] est vraie, alors, [de proche en proche la relation (11)n elle vraie pour tout n et] il existe une infinité de triangles presque équilatéraux.
On remplace Xn+1 et Y n+1 à l'aide de nos conjectures [voir note 7]:
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On simplifie et on obtient alors la condition [suivante] équivalente [à (11)n+1 , sous l'hypothèse que (12)n+1 est vérifiée] :
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On va alors démontrer cette nouvelle égalité par récurrence. [voir encadré ci-dessous]
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[ Proposition 2 : Si les suites Xn et Yn satisfont aux relations
Alors , pour tout n >1 on a
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[On a ainsi] XnXn-1- 3 YnYn-1 = 2 [pour tout n] ; alors, oui on possède une infinité de triangles presque équilatéraux ! [voir note 8 ]
[Théorème 3.
Sur la planche du fakir, il existe une infinité de triangles
presque équilatéraux à base horizontale]
4) Découpage des polygones
[Les recherches précédentes ont inspiré un autre problème :
Peut-on par découpage
passer d'un polygone à une autre forme plus simple,
comme un rectangle ou un carré ?
Le but est de fabriquer avec un polygone donné les pièces d'un puzzle rectangulaire ou carré.]
4.a) Triangles en Rectangles
Dans un triangle quelconque, on trace [...] la
hauteur Figure 8 |
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et voilà on a ... UN RECTANGLE Figure 9 [ Ce découpage marche pour tout triangle : il suffit de prendre une hauteur intérieure au triangle. ] |
4.b) Deux rectangles en un seul
On a fabriqué T1 et T2. |
Maintenant il faut les regrouper en un seul rectangle, donc on les dispose comme ceci :
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On trace le segment qui rejoint (p) et (n) pour trouver (m) un point de découpe... de (m) à (m'). Figure 12 |
On effectue une translation des solides Figure 13 |
et voilà un rectangle ... Figure 14 |
4.c) Rectangle en carré
Trouver a, le côté du carré de même aire [que celle d'] un rectangle quelconque de cotés L et l
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Présentons le rectangle couché à côté du rectangle deboutÉ.
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On trace le demi-cercle de diamètre L + l pour trouver a [note 10]
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En se servant de a trouvé précédemment, on relie le carré au rectangle en le superposant dans un coin. Figure 15 |
On trace les diagonales qui relient le point (p) et (z) ainsi que (m) et (n) [note 11] (avec Thalès ces droites sont parallèlesÉ.) Figure 16 |
Figure 17 Cela nous donne donc ... UN CARRE. Figure 18 |
4.d) Un polygone quelconque en rectangle
On prend un polygone quelconque |
que l'on partage en triangles (a, b, c, ...). |
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Grâce à la méthode pour transformer les triangles en rectangles, on obtient 2 rectangles Figure 21 (deux rectangles issus de a et b en un, [soit T1], car a et b ont une base commune et un [second] rectangle, [soit T2], issu de c) |
A partir de ces 2 rectangles , on en forme un seul grâce à la méthode que l'on a vu en second (§ 4.b).
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Vous pouvez encore transformer le rectangle en carré etc. etc. ...... |
En conclusion
En se ramenant à des figures connues vous pouvez transformer des polygones à l'infini,
le but [nouveau !] étant de le transformer avec le moins de coups de ciseaux possible ......
BONNE CHANCE ...
***
Notes des
éditeurs
Note 1. Les auteurs ne considèrent ici qu'un seul cas de figure. Le lecteur se convaincra sans peine que l'on peut toujours s'y ramener.
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Note 2. D'après les calculs de longueurs qui précèdent, à tout nombre a correspond un triangle presque équilatéral de base horizontale a, et un seul, de cotés respectifs a, a-1 et a+1 ; son sommet A a pour ordonnée la hauteur relative au côté a, soit et pour abscisse le nombre b = (a - 4)/2 =a/2 - 2. Un tel triangle est donc une solution (c'est à dire a ses 3 sommets sur des clous de la planche du fakir) si a, h et b sont tous trois entiers, autrement dit si a est pair et si 3a2-12 est un carré parfait.
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3. Précisons comment sont obtenues les valeurs successives a1 , a2 , a3 , ... de a dans le tableau. L'entier a1 est le premier entier qui convient, c'est à dire le premier entier pair a pour lequel le nombre est un entier strictement positif (on trouve a1 = 4) ; l'entier a2 est le deuxième entier qui convient (on trouve a2 =14) , et ainsi de suite ... : an est le n-ième entier qui convient. Ce qui est conjecturé est l'assertion suivante : si on a trouvé n premières valeurs a1 , a2 , ... an qui conviennent pour les bases de triangles solutions, alors l'entier an+1 = (an + hn) x 2 est précisément le prochain entier qui convient, comme base d'un nouveau triangle solution Tn+1. Si cette conjecture est vraie, non seulement elle montre l'existence d'une infinité de triangles solutions, mais de plus, elle implique que la construction de proche en proche des an donne tous les triangles solutions !
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4. Une propriété fondamentale d'Arithmétique est utilisée ici : si un nombre premier divise un produit de facteurs, il divise l'un de ces facteurs.
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5. A partir de ce point, hypothèses et conjectures ne sont plus clairement formulées par les auteurs. En particulier, les définitions et hypothèses nécessaires aux raisonnements par récurrence nous échappent, ce qui rend les résultats difficiles à restituer et incertains. La conjecture faite ici nous semble pouvoir être énoncée sous la forme suivante : si des triangles T1, T2 , ... , Tn , ... solutions ont été obtenus dans le tableau (voir note 3), le nouveau triangle Tn+1 introduit par la relation (12) est un triangle solution (on remarquera que Tn+1 est bien déterminé à l'aide des formules an+1 = 4+2bn+1= 2Xn+1 , b = Xn+1-2 et hn+1=3Yn+1 ). Les auteurs semblent en particulier tenir pour acquise la réciproque de la proposition 1 : si Xn+12 - 3Yn+12 = 1, alors Tn+1 est presque équilatéral.
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6. Maintenant, tout se passe comme si les triangles
Tn avaient été définis de
proche en proche à partir de T1
et T2 par la relation (12), les suites d'entiers (Xn) et
(Yn) étant alors définies par les
conditions :
et , pour n > 1 |
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7. La relation (12), précédemment conjecturée, est devenue maintenant hypothèse, comme expliqué par la note précédente.
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8. Résumons les points significatifs des raisonnements précédents.
i) La définition, implicite, des triangles Tn par la relation (12) à partir de T1, T2 garantit que les paramètres am , bm , hm sont entiers et donc que les sommets de chaque triangle sont sur les clous de la planche du fakir.
ii) La proposition 2 garantit que ces triangles satisfont la relation (13), et donc la relation équivalente (11) (plus précisément, (13)n équivaut à (11)n+1).
Si on accepte par ailleurs l'équivalence, non explicitement prouvée par les auteurs, entre (11)n et le fait que Tn est presque équilatéral, on a bien la conclusion annoncée: les triangles Tn sont solutions.
On remarquera que la conjecture 1 reste toutefois ouverte : même si on vérifiait que les bases an des triangles satisfont bien à la relation de récurrence an+1 =(an +hn) x 2, rien a priori n'interdirait encore l'existence entre an et an+1 d'une valeur de a qui convienne comme base d'un autre triangle solution.
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10. Dans un triangle rectangle, le carré de la hauteur issue de l'angle droit est égal au produit des segments qu'elle détermine sur l'hypothénuse.
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11. La construction fonctionne sous l'hypothèse que la droite (pz) coupe la partie commune au carré et au rectangle.
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12. Il est admis ici que tout polygone admet une décomposition en triangles.
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